Insignifiant...

Ayant bien reçu le message arrivé au palais, j'avais pris ma décision : j'allais aller délivrer Lucas ! Et, comme stipulé dans les conditions, je ne devais en informer personne, et n'être accompagnée que du porteur même du message, qui n'était autre que Valkor, ainsi que de Christobal, qui nous attendait au niveau de la plaine. Ils m'ont donc escortée jusqu'ici et, après avoir patienté une dizaine de minutes dans la salle du trône, Jonathan était apparu devant moi. Il s'était empressé de me serrer dans ses bras, montrant une légère émotion dûe à mon retour. Je n'avais pu m'empêcher d'éprouver moi aussi un sentiment de soulagement en le voyant enfin. Malgré tout ce qu'il avait fait, mon coeur l'aimait encore...

Mais, je voulus tout de suite voir Lucas, ce qui eut le don de l'agacer. Cependant, avec un certain sourire que je ne lui connaissais pas, il m'avait emmenée jusqu'à une pièce sombre, où je fus enfermée, seule, dans la pénombre. Et, après un instant, j'avais entendu le bruit d'une respiration. D'abord affolée, mon regard s'habitua vite à l'obscurité et je distinguai les traits défaits de mon gardien...

Lucas !!! Oh mon dieu, que t'est-il arrivé ?

Je me précipitai vers lui, osant à peine le toucher. J'avais peur de lui faire mal ! Et il ne devait pas m'entendre, il était inconscient...

Une fois de plus, je fus sortit de l’inconscience, par une présence nouvelle cette fois.
La voix de Laena me parvint de loin. Elle semblait affolée.
Qu’est-ce qu’elle faisait là bon sang ?! Pourquoi s’était-elle laisser piéger aussi facilement ?!
Encore à moitié inconscient, je prononçais des paroles que je n’entendais pas moi-même. Je me soupçonnais d’ailleurs de remuer les lèvres sans émettre aucun son.
Il fallait qu’elle parte. J’étais mort de toute façon, alors il fallait qu’elle rentre à la Cité, afin que je l’y sache en sécurité.
Je réussis à basculer la tête vers l’arrière, l’appuyant contre le mur, et je me forçais à ouvrir les yeux afin de pouvoir la regarder. Je su à son regard que je ne devais pas être beau à voire…
J’espérerais que se ne soit qu’un rêve et qu’elle ne soit pas face à moi en ce moment.
Jonathan était arrivé à ses fins.
Rassemblant mes esprits, je tentais d’articuler quelques mots.

« Va-t-en ! Rentre…tout de suite ! »

Chaques mots m’arrachaient une grimace de douleur que j’essaye de dissimuler, bien que cela ne serve strictement à rien. Si elle ne partait pas tout de suite, je mourrais pour rien, ayant échoué dans ma mission.
Je lui lançais un regard suppliant de façon à ce qu’elle comprenne qu’elle n’avait rien à faire ici.

« Partez, fuyez… »

Lucas ! Lucas !

J'essayais tant bien que mal de lui arracher un signe de vie. Oh, pas que je ne sache pas qu'il vivant toujours ! Mais, bien qu'il respirât toujours, il était réellement dans un état qui le rendait méconnaissable ! Que lui était-il arrivé ?

Il sembla enfin reprendre ses esprits, mais seules ses lèvres tremblèrent légèrement. Aucun son, aucun autre preuve !!
Puis, il ouvrit les yeux, après avoir basculé sa tête contre le mur, sans doute pour prendre appui. Je croisai son regard... c'était tellement horrible !! Je me sentis d'autant plus coupable de le voir de cette façon...
Et, malgré son état, tout ce qui lui venait en tête était de me faire partir. Or, je ne désirais pas m'en aller, si c'était pour le voir mourir...

Non, je ne te laisserai pas ! C'est toi qui rentreras là-bas. Tu leur diras que je vais bien, et qu'ils n'ont pas à s'inquiéter ! Dis-leur que je les aime...

Il continua sur sa lancée, allant jusqu'à me vouvoyer ! Je ne compris pas de suite ce que cela voulait dire. Pourtant, il savait que je n'aimais pas qu'il le fasse !
Son regard se faisait suppliant, j'en avais les larmes aux yeux. Il grimaçait sous la douleur, ce qui m'était insupportable. N'y tenant plus, je posai ma main sur sa joue qui me parut extrêmement brûlante. En comparaison, la température de mon corps devant lui sembler glacée ! Mais soit, je voulais lui prouver que j'étais là !

Lucas, ça va aller ! Tu vas rentrer chez nous...

Je cherchai un moyen d'abréger ses souffrances. Il n'y en avait qu'un que je maîtrisais, mais jamais encore je ne l'avais employé à aussi grande échelle. J'entendais par là que j'avais déjà réussi à faire disparaitre une égratignure sur le genou d'un enfant, jamais des coups aussi profonds, et de plus causés volontairement par des armes...
Je réfléchis à la manière de procéder. Si un simple contact suffisait à soigner un petit bobo, que fallait-il pour tout cela ? J'essayais de me remémorer les leçons prises avec mon frère lorsque nous n'étions encore que des enfants... Ca allait me revenir !! J'en étais sûre !

....

Je m'en souvins enfin ! "Si les dégâts sont plus importants et qu'il y a effusion de sang, il faut un contact bien plus grand avec la personne que l'on désire soulager. Le plus simple étant alors de faire passer l'énergie par un endroit plus sensible que la membrane extérieure qu'est la peau."
Il n'y avait donc qu'un moyen possible pour l'aider !! Me mettant sur la pointe des pieds, je rapprochai mon visage du sien, le rassurant d'un regard. Je n'avais jamais fait ça, et j'espérai que cela fonctionnerait ! Fermant les yeux, je me concentrai tout en frôlant ses lèvres. Celles-ci avaient un horrible goût de sang, mais je retins mon dégoût -dégoût du sang, pas de ses lèvres, même s'il n'était pas Jo !

Mais hélas, rien ne se passa. Je ne réussis pas à utiliser mon énergie pour le soigner. Il y avait quelque chose qui m'empêchait de le faire ! Je me souvins alors que, lorsqu'il m'avait enfermée dans ma chambre, ç'avait été pareil. Ce palais était étrange... Ou bien était-ce moi qui perdait tous mes moyens loin de chez moi ? Je n'en avais pas la moindre idée !

Eloignant mon visage de celui de mon gardien, je lui jetai un regard totalement désolé. Je me sentais vraiment impuissante...
Je finis par poser ma tête dans le creux de son épaule, abattue. J'étais une pure idiote de l'avoir mis dans un tel état à cause d'une bête idée !

La princesse refusa de s’en aller, disant que c’était à moi de rentrer et de rassurer les autres.
Je fermais à nouveau les yeux et repris un semblant d’équilibre sur mes jambes au prit d’un effort douloureux.
Elle ne comprenait donc pas. A croire qu’elle se voilait la face…Mais je ne me serrais jamais permis de laisser cette pensée me traverser l’esprit.
Elle posa sa main sur ma joue. Celle-ci était glacée,…ou bien était-ce moi qui était brûlant ?
Elle tentait de ma rassurée, mais tout ce qu’elle disait n’y changerait rien. Je savais très bien le sort qui m’était réservé, et sa présence ne faisait que le rendre plus terrible.
Elle resta silencieuse un moment. Fatigué, je commençais à somnoler lorsque je sentis son souffle sur mon visage. Intrigué, je rouvris les yeux afin de l’interroger du regard. Le sien était rassurant. Je n’eu pas le temps de me posée de questions qu’elle posa ses lèvres sur les miennes. Je ne compris pas la manœuvre, et j’en restais interloquer un moment.
J’avais toujours espérer secrètement un baiser de la princesse, mais j’étais loin de me douter que ca finirait par arriver…et encore moins dans ces circonstances…
Laena fini par rompre le ‘baiser’ et me regarda avec un air profondément désoler et effondré.
Pour ma part, j’étais encore sous le coup de la surprise, ayant l’esprit trop embrumé pour comprendre la raison de cet acte.
Elle semblait complètement abattue. Elle fini par se blottir doucement contre moi, ce qui me fit serrer indistinctement les dents.
Je ne comprenais pas pourquoi elle semblait si désolée. Bien sur, je me doutais qu’elle se sentait coupable de mon état, mais de nous deux, j’étais le plus à blâmer. J’avais largement mérité ce qui m’arrivait…sauf le baiser.
La surprise passée, je pris une grande inspiration, qui provoqua la douleur de mes côtes brisées, afin de parler de façon distincte et convaincante.

« Princesse…il faut que vous partiez. Je ne retournerais pas…vivant à la Cité. Je veux…vous savoir en sécurité. »

J’avais parlé lentement, essayant de dissimuler la souffrance que m’infligeait chaque mots, tant physiquement que mentalement.
Parler ainsi à la princesse, lui dire ces mots, m’étaient insupportable. Mais il fallait qu’elle parte, et ce par n’importe quels moyens.

« Je suis mort, quoi que vous fassiez. Vous n’auriez jamais…du venir. »

Je ne partirai pas, Lucas...

Un léger mouvement d'air se fit dans la pièce, mouvement que je ne remarquai même pas. Cependant, je sentis que quelque chose avait changé. Quelque chose dans l'atmosphère, dans l'ambiance. Quelque chose de plus froid...

-Comme c'est touchant !

Je sursautai et quittai aussitôt Lucas, pour me tourner vers Jonathan. Ce dernier nous regardait tous les deux, mais son regard se posa bien vite dans le mien. Il ne souriait pas et était, dans cette pénombre qui le dissimulait un peu, assez effrayant. Cependant, je pris mon courage à deux mains pour articuler devant lui ! Après tout, je ne risquais rien. Ce n'était sans doute pas lui qui avait mis Lucas dans cet état ! Ce devait être une méprise d'ainsi le retenir !

Jo, écoute-moi... Je suis revenue, d'accord ? Alors laisse-le s'en aller ! Il ne mérite pas un tel traitement de la part de tes gardes, il n'a rien fait !

Il avança vers nous et, arrivé à ma hauteur, prit ma tête entre ses mains pour m'embrasser avec fougue. Cependant, il me lâcha vite, dégoûté. Je ne comprenais pas ce qu'il lui arrivait...

-Si t'embrasser est ce que tu qualifies de "ne rien faire", alors oui, il n'a rien fait ! Cependant, nous n'avons pas la même vision de la chose, Laena !

Je voulus me justifier et lui révéler qu'il ne m'avait pas embrassée, que ce n'était pas sa faute ! C'était un innocent baiser, je voulais simplement le soigner ! Mais il me poussa légèrement sur le côté pour me contourner et saisir violemment Lucas au col. Il ne faisait pas passer beaucoup d'émotions sur son visage, mais ses yeux, au contraire de ses traits, montraient tout à celui qui lui faisait face. Ils lui montraient une haine sans fin, une cruauté sans limite, une passion sans frontière...

Arrêtes, Jo !! C'est de ma faute ! C'est moi qui l'ai fait...

-Tais-toi ! cria-t-il en perdant un peu de son calme légendaire. Je ne tolérerai pas un tel geste venant de toi ! Alors tais-toi !

La princesse se borna à ne pas m’écouter. Au contraire, elle affirma une fois de plus qu’elle ne partirait pas.
Jonathan arriva à ce moment précis. Laena ne sembla le remarquer que lorsqu’il parla d’une voix qui ne laissait transparaitre aucunes émotions, tout comme son visage d’ailleurs.
J’eu un nouveau sursaut de douleur lorsqu’elle-même sursauta, s’écartant aussitôt de moi.
Je regardais le prince avec méprit alors que Laena lui ordonnait de me relâcher, ajoutant que ses gardes n’avaient pas le droit de m'affliger un tel traitement.
Dans d’autres circonstances, j’en aurais rit avec sarcasme…
J’étais toucher par ses paroles, mais également horrifier par son ignorance.
Certes, Jo ne m’avait pas vraiment toucher, mais je ne me serais jamais retrouver ainsi s’il n’en avait pas donné l’ordre. Les gardes avaient bien trop peur de lui pour agir sans son consentement…
Le prince s’approcha de nous, ou plus exactement de la Laena, et l’embrassa. Je détournais le regard tellement cela me dégoutais de les voire ainsi. Cependant, ma ‘torture’ ne dura pas longtemps. En effet, Jo rompit le baiser avec un air dégouter.
Il se précipita alors sur moi et m’attrapa violement par le col. Il ne semblait pas apprécier le fait que Laena m’ai embrassé, et je risquais de le payer chère. Ce n’était pas plus mal qu’il se venge sur moi. Et j’espérais qu’il le fasse de suite. Ainsi, la princesse comprendrait peut-être son erreur de jugement sur lui.
Celle-ci essaya de justifier cet acte en mettant la faute sur elle. Cela ne calma en rien l’humeur noire de Jo, qui me lançait un regard à vous glacer le sang.
Je gardais la tête haute, vrillant mes yeux dans les sien afin de ne pas siller. Je lui murmurais alors quelques mots dans un souffle.

« Elle finira bien par découvrir un jour ce que tu es réellement, lâche ! »

J’avais parlé assez bas pour que la princesse n’entende pas., allant jusqu’à lui sourire brièvement. Un sourire plein de sarcasme et de défi.

Lucas ne bougea presque pas. Il ne réagit pas lorsque Jo l'empoigna avec violence. Il ne disait rien...
Je n'y tenais plus, si bien que je m'approchai d'eux et attrapai le bras de Jonathan, afin qu'il lâche le pauvre Lucas. Le prince se raidit un instant avant de me donner un coup pour me faire reculer, ce qui fonctionna parfaitement bien. Il fallait dire aussi que j'étais loin de m'y attendre...

-Recule ! Laisse-moi lui infliger la punition qu'il mérite...

Le souffle coupé, je les fixai un moment, ne comprenant toujours pas son geste, ses gestes ! Je réussis cependant à me reprendre quelques secondes plus tard, alors qu'il s'apprêtait à poignarder Lucas !! Je refis le même geste, m'attachant avec plus d'insistance à son bras droit pour lui faire lâcher prise.

Tu m'avais promis de le laisser partir si je revenais ! Je suis là, alors libères-le !!!

-Non, je dois lui faire payer pour ce qu'il a fait !

C'est toi qui es en train de commettre une erreur, pas lui...

Je resserrai d'autant plus mon étreinte, si bien qu'il finit par relâcher son bras. Il s'éloigna enfin de mon gardien, sans oublier de lui lancer un regard mauvais. Il me jeta alors un oeil. J'étais on ne peut plus terrorisée par ses agissements, mais je ne les tolérais pas !

-Moi, dis-tu ? Je ne commets jamais d'erreurs...

J’avais réussi à l’énerver. Laena tenta de l’écarter de moi mais il la repoussa d’un geste brusque. Je me retins de réagir face à cela. J’attendais la punition, toujours en le défiant de regard.
Mais la princesse s’accrocha de nouveau au bras de Jo alors qu’il s’apprêtait à me poignarder. Je soupçonnais ce coup d’être mortel.
Elle le supplia presque de me laisser partir, essayant de le convaincre que je n’avais rien fait.
J’espérerais vraiment qu’il ne l’écouterait pas, comme il savait si bien le faire.
Malheureusement, il fini par baisser son arme et s’éloigner de moi en me fusillant du regard.
Il n’appréciait pas les paroles de la princesse, qui semblait terrifiée.
Il lui assura qu’il ne commettait jamais d’erreurs, ce qui me fit rire. Un rire bref qui se transforma bien vite en une toux douloureuse que je calmais rapidement.

« Es-tu sur de ce que tu avance ? »

Je savais que Laena n’apprécierais pas le fait que je le nargue ainsi. Mais au point ou j’en étais,…Et puis même si je sortais vivant d’ici, je n’aurais plus le courage de rentrer à la Cité.
Si jamais je vivais, c’étais une vie d’exile qui m’attendait.
Il fallait que je montre à la princesse qui était vraiment ce monstre, le mal sur lequel il régnait en maître. Et pour cela, je devais le narguer le plus possible devant elle, le pousser à bout.
Il devait commettre l’irréparable sous les yeux de Laena.
Evidement, je savais très bien les douleurs que cela infligerait à la princesse. Mais s’était le seul moyen. Elle finirait par s’en remettre avec le temps, tandis que si elle restait ici, elle était perdue…

A cette réflexion, Jonathan se tourna à nouveau vers lui, mais je fus plus rapide et me plaçai entre eux. J'avais jeté un oeil à Lucas, lui demandant ce qu'il était en train de faire !

S'il te plait, Jo...

Je le suppliai du regard, arrivant enfin à accrocher le sien. Il semblait renfermé, comme s'il réfléchissait. Parfois, j'aurais voulu pouvoir lire ses pensées, pour découvrir ce qui lui passait par la tête ! A quoi pensait-il ? Qu'était-il en train de se dire ?

Je t'en prie...

Soudain, il me sourit comme il avait l'habitude de faire "avant". Il me sourit avec gentillesse et amour. Son regard, bien que toujours impénétrable, était tout à coup plus doux.

-Ecoute, mon ange. Je veux bien le laisser partir, puisque c'est ce que tu désires tant. Mais je veux que tu me promettes une chose alors. Une seule et unique chose, qui est très chère à mon coeur. Y consens-tu ?

Tout ce que tu voudras, tant que tu le libères !

Une fois de plus, Laena s’interposa entre nous deux avant que Jonathan n’ai eu le temps de réagir. Elle me jeta un regard interrogateur, regard auquel je répondis en lui intimant de me faire confiance. Mais elle se tourna bien vite vers le prince et le supplia presque de se calmer.
De mon côté, je désespérais de lui faire entendre raison. Je tentais de dissimuler mes tremblements du à l’effort que je faisais pour ignorer la douleur et rester droit.
Mais la surprise du sourire qu’il afficha face à Laena faillit me faire perdre pied. Je ne l’aurais jamais cru capable de sourire ainsi, et cela me décontenança complètement...
Il s’adressa alors à la princesse d’une voix douce et aimable. Alors c’était comme ca qu’il l’avait piégée ?
Sous le coup, je ne réagis pas tout de suite à la demande du prince en échange de ma libération.
Bien qu’il n’ait pas encore précisé sa requête, Laena lui dit qu’elle accepterait tout ce qu’il voulait.
J’eu enfin une réaction, sursautant comme si je venais de sortir d’un rêve…ou d’un cauchemar.

« Laena non ! Je refuse ! »

Je me tournai à nouveau vers Lucas, lui intimant cette fois-ci de se taire du regard. C'en était assez de me mettre des batons dans les roues ! A quoi jouait-il, bon sang ? Il le provoquait en toute connaissance de cause, et continuait de le faire ! Alors que je faisais tout mon possible pour convaincre Jonathan de le laisser partir... A croire qu'il était contre moi ! Même Jo m'écoutait plus que Lucas, en cet instant. Mais après tout, n'était-ce pas normal ?

Quelle est donc cette chose, Jo ?

Il se tut un instant avant de me prendre les mains à l'intérieur des siennes. Ses yeux ne quittaient plus les miens.

Promets-moi de rester ici avec moi pour l'éternité...

Je fus surprise par sa demande. En d'autres temps, j'aurais été agréablement surprise, mais ces temps étaient révolus... Depuis la scène de la dernière fois, j'avais encore un peu de mal à faire la part des choses. Certes, je l'aimais, mais je me posais aussi des questions...
Cependant, si cela pouvait venir en aide à Lucas, j'étais prête à tout !!

Je te le promets...

J’ignorais le regard exaspéré de Laena et commençais à m’agiter. Bien sur, je ne pouvais pas tirer des masses sur mes chaînes vu que j’avais le bras droit en sang et le gauche déboité…
Lorsque Jo précisa sa demande, je retins une injure bien cinglante. Il avait des limites à ce que je pouvais me permettre de prononcer devant la princesse.
La réponse de la princesse fini d’achevée ma retenue.

« Princesse non ! Vous ne vous rendez donc pas compte qu’il vous piège ?! »

La colère dépassa la douleur, et je ne pouvais rester immobile.
Je tirais de mon bras plus ou moins valides afin de me libérer.

« Cette homme n’a rien d’humain ! Vous n’avez pas à vous sacrifier de la sorte ! Si vous accepter, vous êtes perdue… »

Mon regard était braqué sur Jonathan. Je voulais l’étriper sur place, lui enlever cette air arrogant qu’il affichait en permanence. Je voulais qu’il subisse ce qu’il avait fait subir à tout ces pauvres innocents, et qu’il finisse sa vie dans des souffrance atroces pour pourrir ensuite en enfer.
Une rage mal contrôlée se lisait dans mes yeux. Je ne me pardonnerais jamais d’être vivant à ce prix là.

Alors que je pensais l'histoire enfin achevée, Jonathan se tourna brusquement vers Lucas qui continuait de tergiverser sur le problème ! En un instant, il fut face à lui. Il attaquait Lucas, non pas physiquement, mais mentalement. J'avais déjà entendu parler de cette technique que l'on m'avait vivement recommandé d'éviter comme la peste.
Je ne savais quelles images il pouvait lui faire passer de cette façon, mais cela n'était, à ce qu'on m'avait dit, pas du tout agréable ! La plupart du temps, les images avaient directement un rapport avec la victime. On lui montrait tout ce qu'elle ne désirait jamais voir... Et elle entendait la même chose !

La meilleure chose que je pouvais faire était... de ne rien faire ! Je ne pouvais pas intervenir, sous peine de blesser Lucas. En effet, le contact visuel était important, m'avait-on dit. Si je le brisais maintenant, qui pouvait prédire ce qui allait se passer ?

J'eus alors tout le loisir de réfléchir aux dernières paroles de Lucas. Un piège ? Ou voyait-il un réel piège dans tout cela ? Jo m'aimait, c'était pour cette raison qu'il faisait tout ça... Du moins, je l'espérais !
Il n'avait rien d'humain ? Et pourquoi cette notion de "sacrifice" ? Certes, j'aurais préféré patienter avant de promettre une telle chose -le temps de me remettre de mon ignoble geste, ainsi que d'accepter nos fiançailles-, mais de toute façon, je l'aimais, donc j'aurais accepté de rester avec lui ! Alors pourquoi cela me perdrait-il ? Jonathan était-il si dangereux que cela ?

Jonathan ne tarda pas à réagir cette fois. Il se retourna vers moi, me calmant aussitôt, et plongea son regard dans le mien. Je fus alors comme transporter d’un endroit à l’autre. Des images défilaient devant mes yeux, accompagnées de sons étranges. L’une d’elle se précisa soudain. Je revis la femme et l’enfant que Nicolas avait prit plaisir à torturer sous mes yeux. Je vis comment ils les avaient achevés. Cela ressemblait trait pour trait à une boucherie.
Je voulu fermer les yeux, mais les images étaient trop présentes. Ils étaient morts à cause de moi, et de la façon la plus atroce qui soit. Leurs cris étaient déchirants, insupportables.
Lorsqu’ils furent achevés, l’image changea de nouveau. Cette fois, ce fus un village. Celui-ci était en flamme et des ombres combattaient en son centre. Je vis des enfants égorger, des femmes violées, des hommes empalés ou brûler vifs. Certaines femmes étaient emportée de force par les soldats que je reconnu comme ceux de Monär. Je les voyais ensuite torturée pendant des semaines dans les cachots du château. Encore une fois, je n'entendais que des cris et des supplications.
J’étais horrifier et dégouter. Je sentais des larmes me montée aux yeux malgré moi. Je ne savais dire si elles étaient de tristesse ou de colère.
La scène se modifia de nouveau pour me montrée une image fugace, celle du mariage de Laena et Jo, s'embrassant de l'autel.
Chaque scène ne durait que quelques secondes, mais cela semblait être une éternité. Elles défilaient en désordre, encore et encore.
Ainsi, je me vis également seul au monde et ignorant tout de mon existence avant l’attribution de ma mission. La façon dont il me le montra me toucha bien plus que ses paroles.
Enfin, le film ralentit pour s’arrêter sur une dernière scène. Laena se tenait debout, un couteau à la main. Elle s’approchait doucement de la reine, pas après pas. Ensuite, tout s’enchaîna. Laena leva le bras et la reine s’effondra. Personne de réagit. La princesse souriait.
Cette scène m’acheva. Les images disparurent et je m’affaissais une fois de plus, les chaînes me retenant debout.
Je ne pouvais plus retenir mes larmes. Je ne croyais pas à ce que je venais de voire. Cale ne pouvais être qu’un mensonge, une machinerie montée de toutes pièce… un cauchemar.
Il m’avait anéantit par la pensée. Je ne réfléchissais plus à rien, n’ayant plus la force de riposter. J’essayais en vain de digérer les horreur qu’il venait de me montrer.

Lorsque Jonathan arrêta le supplice de Lucas, il souriait. Il se tourna vers moi, prenant bien garde de me cacher la vue de mon gardien, qui était complètement abattu, K.O.

-Maintenant, à nous deux ! Tu m'as manqué, tu sais ?!

Je déglutis péniblement, ressentant au fond de sa voix quelque chose d'inhabituel. Je hochai cependant la tête et répondis :

Toi aussi, tu m'as manqué ! Même si j'ai beaucoup réfléchi à tout ça... Il est un peu tôt pour nous marier... De plus, il nous faut absolument la bénédiction de mon père ! Je ne veux pas que nous faisions cela à la va-vite !! J'ai besoin de temps... Comprends-tu ?

-Je suis désolé de te décevoir, mais je ne te comprends pas ! Comment peux-tu dire avoir besoin de temps ? Cela fait cinq cent ans que j'attends ce moment !! J'ai assez patienté, je t'ai laissé assez de temps comme cela !

Il semblait contenir un sentiment qui le traversait. Etait-ce de l'impatience ? De l'exaspération ? De la frustration ? Je n'aurais su le dire !
Il se mit face à moi et baissa légèrement la tête pour que nos visages soient à peine espacés de quelques centimètres. Son sourire se fit alors traitre.

-La mort de ta mère ne te suffit donc pas ? Faut-il encore d'autres morts pour te convaincre ? S'il le faut, ton père peut suivre ! Et ton frère aussi ! Et puis n'oublions pas ce soit disant gardien qui est derrière moi ! J'éloignerai de sang froid tous ceux qui s'opposeront à notre union, mon ange !

Je secouai la tête durant un instant, en signe de négation. Je ne pouvais croire ce que j'entendais. Il avait complètement changé de comportement, du tout au tout !

Jo... tu.. tu dis tout ça pour me faire peur, n'est-ce pas ? Tu ne le penses pas réellement, non ?

Je me reculai, appeurée par tout ce qui était en train de se dérouler devant mes yeux depuis tout à l'heure. J'aperçus Lucas, dans les vappes. Non, il ne plaisantait pas... Cette négation s'imposa soudain à moi. Il était capable de le faire ! Et il le ferait...

Jo ! Jo .. s'il te plait ! Dis-moi que c'est faux ! Dis-moi que tu ne ferais jamais une chose pareille, dis-le-moi ! criai-je, les larmes aux yeux.

Il ne réagit pas, me laissant dans mon effroi. Alors, Lucas avait raison... Depuis le début ! Et mon père, mon frère, ma mère... eux aussi avaient raison !! Pourtant, je n'arrivais pas à y croire ! Je ne voulais pas croire que l'homme que j'aimais était ainsi... Je ne voulais pas !

Jo... Je t'en prie, dis-le-moi...

-Ca suffit maintenant, arrêtes de pleurer comme ça ! Ce ne sont que des insectes ! Ils sont tous des insectes !

Je fus indignée de la façon dont il traitait ceux que je chérissais ! Comment osait-il dire des choses pareilles ? C'était à moi de mettre fin à tout cela !
Je rejoignis Lucas et entrepris de détacher ses chaines, chose qui me fut étrangement facile. Pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ? J'avais seulement tenté de le soigner, mais je n'avais même pas songé à le libérer !!
Lorsque la deuxième chaine céda, il s'effondra sur moi. Je le rattrapai tant bien que mal, l'agrippant de toutes mes forces pour qu'il ne tombe pas au sol et qu'il garde un certain équilibre.

Je ne supporte pas... que tu parles comme cela... de ceux que j'aime ! Tu n'es pas le seul...

Je relevai les yeux vers lui, montrant une profonde déception. Il faudrait que je me fasse à l'idée...

Puisque c'est comme cela, je vais moi-même ramener Lucas chez nous !! Et, tant que tu n'auras pas changé de manière de penser, je ne reviendrai pas !!

Une fois encore, j’avais le souffle court. Mais je ne cherchais même pas à le calmer cette fois. Les voix de Jonathan et de la princesse me parvenaient, lointaines, mais compréhensibles.
Laena demandais plus de temps pour réfléchir au mariage, mais Jo refusa simplement, un sentiment indescriptible dans sa voix.
Le silence tomba un moment, ou plutôt, je n’entendis plus que des murmures. Je ne cherchais pas à savoir ce qu’ils se disaient. Mes larmes coulaient toujours, mais contre mon gré cette fois. Bien qu’au fond, je m’en fichais…
La vois de la princesse me parvint de nouveau, tremblante. Elle semblait apeurée. Elle suppliait encore ce salaud, mais je n’avais aucunes idées de la cause de son désarroi.
Jo lui répondit avec dédain, une pointe d’exaspération dans la voix. Je sentis alors les mains tremblantes et froides de Laena sur mes poignets. Il me fallu un moment pour me rendre compte qu’elle me détachait. Je n’avais même pas le courage de l’aider. Je me sentis tombé, puis rattrapé. J’étais soutenu par la princesse. Inconsciemment, je pris position sur mes jambes pour l’aider. J’ouvris les yeux, mais mon regard resta vide, se fixant sur un point derrière le prince. Laena semblait enfin décidée à partir d’ici. Jo la laisserait-elle faire ?
Surtout si elle avait l’intention de m’emporter avec elle…
Mon sort m’importait peu, et je commençais à douter de la princesse également. Au fond de moi, je me battais contre cette image, gravée plus profondément que les autres dans mon esprit. La princesse tenant un couteau ensanglanté, la reine gisant à ses pieds, et ce sourire malsain sur les lèvres.
Derrière cette scène venait celle de ma vie entière, qui se limitait à une mission. Il n’y avait rien avant cela. Un but, c’est tout ce que j’avais. C’était pour cela que je vivais,…que l’on m’avait crée.
Ces idées noire me torturaient l’esprit. Je ne ressentais même plus la douleur physique que m’infligeaient mes blessures. Plus rien ne m’importait en cet instant.
Seul subsistait le lien qui s’était forgé au fil du temps et qui m’unissais à la princesse. Ce fut ce lien qui me permis de me tenir un minimum debout, sans même que j’y fasse attention.
Laena semblait décidée. J’attendais la réaction du prince face à cet imprévu. Qu’allait-il nous faire ? Ou plutôt, qu’allait-il lui faire… ?

Je ressentis de manière très légère les efforts de Lucas pour se maintenir debout. C'était réellement très courageux de sa part, d'autant plus qu'il n'en pouvait absolument plus ! Dire qu'il était dans cet état par ma faute ! Quoique... c'était un peu de la sienne aussi ! Que lui était-il passé par la tête de vouloir à ce point provoquer Jonathan ?!

Ce dernier ne se montrait d'ailleurs pas très enclin à ce revirement de situation. Il barrait de son imposante stature la seule et unique porte de sortie que nous aurions pu emprunter, Lucas et moi.

-Cela risque de poser un problème, vois-tu. Le mariage est prévu pour bientôt, tu ne peux pas t'en aller ainsi ! De plus, je ne te laisserai pas partir alors que tu viens seulement d'arriver...

Il recommençait ! Il recommençait à vouloir m'empêcher de m'en aller, de faire ce que je voulais ! Comme après mon "enlèvement", la dernière fois. Et la mort de ma mère...

Jonathan... Pourquoi fais-tu tout cela ? Pourquoi ?

-Pour toi ! Tout ce que je fais, je le fais pour toi !

J'eus du mal à croire ses paroles. Et je devais certainement avoir raison car, égoïste comme il était, il ne faisait cela que pour lui, pour s'approprier une chose qu'il pensait être un bien lui était dû ! Et cette chose, c'était moi... Mais tout cela, je ne le savais pas...

Je rentre chez moi ! Ne m'en empêche pas !

J'avançai lentement en tirant Lucas avec moi. Mais, lorsque je voulus passer à côté de lui, il leva le bras pour m'obliger à m'arrêter. Cependant, il ne broncha pas, restant de marbre. Mais ce simple geste de sa part me fit frissonner. Ou plutôt, n'était-ce pas autre chose ? Etait-ce son geste, ou une sensation malsaine qui me faisait un tel effet ? Certainement la deuxième réponse...

Nicolas apparut soudainement en face de moi. Il s'immobilisa un instant devant la scène avant d'oser parler, sans doute suite à un hochement de tête imperceptible de Jo.

-Votre altesse, vous devez me suivre, il y a urgence ! Je ne peux vous en révéler plus devant eux. S'il vous plait, ne perdons pas de temps !

Sa voix était moins calme que la dernière fois, il montrait une certaine panique. Oh, à une dose très minime, mais elle était tout de même présente et Jo la ressentait. Il se doutait d'ailleurs que ce sentiment venait en grande partie du fait qu'il avait interrompu le prince...

Jo disparut derrière Nicolas sans un mot. La pièce se fit soudain plus floue, les murs s'effaçaient. Une lumière intense surgit de nul part, me brûlant les yeux. Puis, cette lumière s'estompa pour laisser apparaître une chambre autour de nous. Ce n'était ni la sienne, ni celle qui m'était attribuée au palais depuis quelques temps. Elle était un peu plus sobre, mais aussi plus renfermée. Il n'y avait aucune fenêtre, et toujours une seule porte, très certainement verrouillée !

Je profitai de la présence d'un grand lit pour y installer Lucas dessus. Je ne mis pas les couvertures sur le jeune homme, car il était déjà assez brûlant comme ça ! Je voulus lui apporter de l'eau, mais il n'y avait rien d'autre dans la pièce qu'une table, deux chaises, une commode, un miroir et le lit. Le reste était vide...

Jonathan bloqua le passage sans pour autant réagir. Ils parlaient encore un moment, la princesse insistant pour s’en aller.
Ce fût Nicolas qui mit fin à cet échange qui me semblait sans fin. Je perçus malgré moi une certaine angoisse dans la voix de celui-ci, alors qu’il venait chercher le prince en urgence. Après un moment de silence, Jo suivit Nicolas, nous laissant seul Laena et moi.
Nous fûmes aussitôt transportés dans une nouvelle pièce. Une chambre à ce qu’il me semblait.
J’en eu la confirmation lorsque la princesse me déposa sur un lit. Je restais un moment immobile, les yeux toujours dans le vide.
Où étions-nous ? Je voulu me redresser, mais la douleur se raviva, me clouant sur le matelas qui me semblait être de marbre, alors qu’il devait surement être un minimum confortable.
Je réagis enfin par un gémissement de douleur, première réaction depuis les horreurs que Jonathan avait prit plaisir à me montrer. Je me demandais ce qui était le mieux, la douleur physique ou l’indifférence qu’avait provoqué la douleur morale…
J’avais l’impression de brûler de l’intérieure. La fièvre surement. J’espérais qu’elle ne me fasse pas délirer…
Ne ressentant aucune présence hostile dans la pièce, je me permis d’évacuer la souffrance que j’avais contenu jusque là. Faisant en même temps ‘l’inventaire’ des dégâts. Mes côtes brisées me donnaient l’impression d’être poignardé à chaque respiration. Mon bras déboité était engourdi, mais le moindre effort pour le bouger était insupportable. Quand à mon autre bras, je n’osais imaginer dans quel état il se trouvait.
J’avais l’impression qu’on me martelet le crâne, et les images repassaient sans fins dans mon esprit.
J’étais en piteux état… J’étais honteux d’avoir échoué, de m’être laisser piéger si facilement et ne de n’avoir rien pu faire pour défendre la princesse, ni même la Cité entière. Je fini par croire Jonathan, je n’étais bon à rien. En fait, je n’étais rien tout court. Je voulus replonger dans l’indifférence et que l’on m’oublie. Qu’on me laisse dans un coin, par pitié, que je puisse dissimuler à jamais l’humiliation et le déshonneur qui me rongeait.
Mais je devais me reprendre. Je ne pouvais pas me permettre de me laisser aller. Il était encore temps de rattraper les choses, de protéger la princesse.
J’étais sur qu’elle avait une explication valable à ce que Jo m’avait montré. Il ne pouvait en être autrement.
Je cherchais Laena des yeux. Je ne pouvais pas abandonner. Et encore moins à cause d’un monstre.

Après m'être assurée qu'il était plus ou moins bien installé, j'allai chercher une des deux chaises et l'amenai près du lit. Je m'assis sur le fauteuil -car la chaise ressemblait plus à un fauteuil, à vrai dire- et ce fut ce moment qu'il choisit pour se "ranimer". Je me doutai de suite que la douleur se rappelait à lui, ou quelque chose du même genre ! Hélas, je ne pouvais rien faire pour apaiser ses souffrances, ce qui me frustrait énormément, en même temps que cela me rendait affreusement triste ! Je me sentais inutile... De plus, il avait de la fièvre, et pas une seule trace d'eau alentours !! C'était réellement angoissant !

Il ouvrit les yeux. Ceux-ci restèrent un instant accrochés au plafond, avant de me chercher -du moins me sembla-t-il ! Je me penchai légèrement au-dessus de lui et lui offris un pauvre sourire. J'en avais à peine la force. Mais je le faisais pour lui, pour essayer de le rassurer.

Je suis là... lui dis-je en hésitant à prendre sa main. Je finis par le faire, car seule l'autre était réellement blessée.

Il faut que tu te reposes ! Je vais trouver un moyen de rentrer à la maison !! Tu verras, je vais me débrouiller.

J'avais utilisé le terme maison de manière générale, car je n'avais jamais habité dans une maison, et lui non plus. Mais cela avait plus un sens de famille que celui d'un bâtiment, dans ma bouche.
Cependant, même si j'affirmais ça pour le rassurer, j'étais moi-même remplie de doutes. Jonathan m'avait empêché une fois de rentrer chez moi durant des semaines entières ! Il était très probable qu'il réussise à recommencer... Mais je craignais bien plus pour Lucas que pour ma propre personne !

Laena se trouvait près de moi. Elle me souriait, mais je savais bien qu’elle faisait cela pour me rassurer. Elle me prit la main en m’assurant qu’elle était bien là. Cela ne me rassurait pas des masses…au contraire. Je l’aurais été bien plus si elle était en sécurité au château de la Cité.
Je détournais les yeux et fixais de nouveau le plafond. J’avais l’impression d’avoir couru des heures, la douleur en plus, et cela commençait à me gêner sérieusement.
La princesse essayait de me convaincre qu’elle allait trouver un moyen de rentrer, qu’il fallait que je me repose. Mais je ne pouvais pas. Ce n’était pas à elle de nous sortir de là. C’était de ma faute, pas de la sienne. C’est moi qui lui avais proposé la promenade, lui disant qu’elle ne risquait rien avec moi. C’est moi qui n’ai pas fait attention à l’attaque qui approchait, et qui me suis laisser prendre.
C’était de ma faute si Laena était revenue dans ce lieu maudit. Ce n’était pas à elle de nous sortir d’ici.
Je respirai un grand coup, ce qui m’arracha une grimace. Je voulais tenter quelque chose. Je n’étais pas sure d’y arriver car je n’avais jamais essayé au par avant.
On m’avait parlé de cette capacité de régénération, mais on m’avait également dit qu’elle était risquée. Très peu de gens la maitrise relativement bien, et même dans ces cas là, il n’y a que 50% de chance que cela fonctionne. Mais je devais m’y risquer. Après tout, au point où j’en étais, cela ne pourrais pas vraiment empirer les choses. Je fermais les yeux et me concentrais le plus que mon état le permettait.
Je ne savais pas trop comment m’y prendre. Et pourtant, après quelques secondes à peine, c’était comme si j’avais toujours possédé ce pouvoir.
Je concentrais ce qu’il me restait d’énergie et fis en sorte qu’elle se répande dans tout mon corps. Je sentis une chaleur intense me parcourir, mais cela n’avait rien à voire avec la douleur de la fièvre. Cette chaleur là était apaisante. Mon souffle se coupa un moment alors que mes blessures se refermaient peu à peu. Sur le coup, je serrais la main de la princesse. Je me sentais faiblir à mesure que je me soignais. Forcément, mon énergie devait en prendre un coup…
Après un temps que je ne pouvais définir, je relâchais enfin la pression. Essouffler, je lâchais la main de Laena que je soupçonnais d’avoir serré un peu fort…
Je me sentais complètement vider, mais la douleur était déjà bien plus supportable, bien qu’encore présente.
Lorsque j’eu repris mon souffle, je rouvris les yeux et regardais Laena avec un sourire rassurant.

« N’espère pas que je vais te laisser te débrouiller toute seule… »

Ca avait marché. Bien sur, je n’étais pas encore complètement rétabli, mais j’avais réussis quand même. En tout cas, je compris pourquoi on nous déconseillait cette technique un maximum…

Je sentis soudain l'énergie s'emplifier dans la pièce : Lucas essayait de la canaliser, sans doute afin de soigner ses blessures ! Bien que je ne pouvais pas faire grand chose, je pus tout de même garder ma main dans la sienne, ressentant une certaine douleur alors qu'il la serrait de plus en plus fort. Mais je ne bronchai pas, voulant lui montrer que je pouvais être forte. Voulant me prouver à moi-même que je l'étais...

Sa respiration était assez inégale, ce qui n'annonçait rien de bon selon moi. Je devais avouer avoir horriblement peur pour lui. Je craignais qu'il n'ait pas la force de se soigner, ou alors que la même force qui m'empêchait d'utiliser mon énergie en ces lieux s'appliquât aussi à lui.

Heureusement, cela fonctionna parfaitement -si l'on pouvait dire- et ses blessures se guérirent les unes après les autres. Bientôt, il fut apte à parler et en profita aussitôt...

Lucas...

Je voulus l'en dissuader mais finis par soupirer, vaincue.

D'accord, j'accepte ton aide ! Mais n'en fais pas trop s'il te plait... Je nous ai mis dans ce pétrin, je nous en sortirai. Ou du moins, j'essayerai, parce que je ne suis sûre de rien...

Je baissai les yeux et "admirai" mes mains, fautes de mieux. Il y avait des traces de sang -celui de Lucas- à plusieurs endroits, et assez étalées. Je détournai bien vite les yeux, ne supportant pas cette vision. En effet, en plus de ma répugnance pour ce liquide rouge, le voir à nouveau sur mes mains me rappelait ce fameux soir, cet anniversaire maudit où j'avais commis le pire crime que j'aurai jamais à faire... Quoique...

La princesse essaya de me faire taire, mais elle abandonna bien vite l’idée de me laisser hors du coup. Elle s’accusa de nous avoir mit elle-même dans ce pétrin, et que c’était donc à elle de nous en sortir. Elle baissa alors les yeux, dissimulant son regard.
Je me redressais doucement et m’assis sur le lit, face à elle. Elle avait les mains tachée de sang. Cela me rappela la scène du meurtre de la reine, mais je me forçais à ne pas réagir face à cette image.
Après m’être assuré que je tenais bien le coup, je lui relevais doucement la tête, un doigt sous son menton. Il y avait un sentiment indescriptible dans ses yeux. Un mélange de regrets, de dégouts et de tristesse. Je la regardais d’un air dur, mais mon regard trahissait une certaine tendresse.

« De un, tu n’as pas le choix. Et de deux, ce qui arrive n’est absolument pas de ta faute. La seule erreur que tu as commise est de revenir ici. Et je compte bien la corrigée par tout les moyens. Parce que c’est de ma faute si on en est là. »

Je lui souris de nouveau, déjà pour la rassurée sur mon état, mais surtout pour lui assurée qu’elle n’était pas seule. Je baissais les yeux vers ses mains et pinçais les lèvres.

« Il faudrait rincer ca, une princesse ne devrait pas avoir les mains couvertes de sang… »

Une fois de plus, la scène s’imposa dans mon esprit. Je me levais afin de cacher mon trouble à Laena. J’en profitais balayer du regard la pièce ou nous nous trouvions surement enfermé.
Il n’y avait que le strict minimum, et pas d’eau en vue. Je soupirais et me dirigeais vers la porte. Elle était belle et bien fermée. Je frappai un coup dessus et me reculais aussitôt en faisant la grimace. J’avais beau être guérit, la douleur ne disparaitrait pas avant un moment. Je me rendis également compte que mon bras déboiter était moins douloureux également, mais toujours pas remis en place. Après un moment de réflexion, je me dis qu’il attendrait bien encore un peu, tant qu’il ne me gênait pas trop pour le moment. Il fallait juste que je pense à le garder immobile.
J’allais me rassoir sur le lit, tremblant légèrement. Il me faudrait un bon moment avant de me remettre à cent pour cent. Et je n’avais presque plus d’énergie.
Je réfléchis un moment à comment nous pourrions sortir d’ici. Une chose était sure, c’est que ce ne serait pas dans l’immédiat. J’étais bien trop faible pour ca, et Laena ne semblait pas au mieux de sa forme non plus. J’espérais seulement que Jonathan ne viendrait pas faire des misères d’ici à ce que je me sente mieux. Mais là encore, j’avais un doute.
Après un long moment de silence, je me tournais vers la princesse.

« Pourquoi es-tu revenue ? »

La question était simple et sans reproches aucunes. Je voulais juste savoir la raison qui l’avait amenée ici. Savoir d’où lui venait cet amour pour le prince, amour contre lequel tous ses proches la mettaient en garde.
Jo étaient détesté par la plupart des habitants de la Cité. Et pourtant, il avait réussit à séduire la princesse. Je n’avais jamais compris comment cela avait pu se produire.
Maintenant, je voulais comprendre quel lien les unissait.
Et au moins, ce sujet m’accaparait l’esprit pendant un moment.
Je ne savais pas vraiment ce que Jo m’avait fait, mais je n’arrivais pas à oublier toutes ces choses qu’il avait fait défiler devant mes yeux. Et si je ne me changeais pas les idées, à long terme, je redoutais que cela ne me rendre dingue…

Son regard se faisait tendre alors qu'il me regardait, malgré la dureté de ses prunelles noisettes. Je ne répondis rien à ses paroles, me contentant d'acquiescer après quelques secondes de réflexion peu poussée. Je n'avais même pas fait attention au fait qu'il rejetait la faute sur lui, et lui seul !

Il découvrit alors mes mains qui étaient couvertes de son sang. Heureusement, il n'était pas mort, et je ne l'avais pas tué... Déjà que je ne me pardonnais pas un meurtre, deux auraient été me condamner...

J'ai cherché partout, il n'y a rien pour nettoyer cela... Je vais devoir m'abstenir de toucher quelque chose si je ne veux pas salir cette pièce !

Il parcourut veinement la pièce et revint enfin à sa place, sur le lit, en face de moi.

Arrêtes de bouger comme ça ! Tu risques de te blesser à nouveau, Lucas !!

Je n'étais pas très enthousiaste devant ses allées et venues. Il bougeait trop, je trouvais cela dangereux ! De plus, son agitation me donnait étrangement le tournis...
Il se tut, ne dit plus rien durant un long moment. Puis, il me surprit en me posant une question à laquelle je ne m'attendais pas le moins du monde. J'écarquillai légèrement les yeux, assez étonnée.

Pourquoi me demandes-tu cela ?

A vrai dire, je ne savais pas tellement ce que j'aurais dû lui répondre. J'étais vraiment troublée par cette interrogation...

Pourquoi suis-je revenue ? Je me sentais tellement coupable de t'avoir abandonné. Et Jo m'a envoyé un messager pour me demander de revenir ici, en échange de ta libération. Je ne pouvais faire autrement que de le suivre ! Je pensais que tout serait facile, que dés que j'arriverais ici, il te laisserait partir, qu'ils ne t'auraient rien fait...

Je gardai les yeux baissés, serrant soudain les poings. Je n'y comprenais rien, j'étais totalement perdue ! Ces réactions toutes plus opposées les unes que les autres m'empêchaient d'y voir clair, ces évènements me perturbaient au plus haut point, si bien que je ne savais plus quoi penser, ni quoi faire...

Alors que je tournais en rond sur place, Laena me demanda de me calmer et d’arrêter de bouger ainsi, me disant que j’allais finir par me blesser de nouveau. Je lui fis un petit sourire.

« Ca va, ne t’inquiète pas pour ca. »

J’allais quand même me rassoir et lui posais la fameuse question.
La princesse fût surprise par celle-ci. Elle ne comprenait pas pourquoi je la lui posais.
Le trouble passer, elle répondit, hésitante, me disant qu’elle se sentait coupable de m’avoir abandonné, et qu’elle avait donc obéi à la lettre envoyée par Jonathan qui lui demandait de venir en échange de ma libération. Tu parle, quelle libération ?
Elle me dit qu’elle ne pensait pas que cela se compliquerait, croyant que j’allais bien.
Une fois encore, je lui redressais la tête pour pouvoir la regarder dans les yeux.
Elle était bien trop sensible. Cela pouvait être mignon parfois, mais ca pouvait aussi lui faire du mal, car elle s’accusait de tout les maux qui l’entouraient.

« Tu n’es coupable de rien, et surtout pas de se qui est arrivé. »

Je fis une pause, hésitant à continuer. Je savais que cela allait encore lui faire du mal. Et elle semblait déjà tellement perturbée. Mais il fallait bien que quelqu’un lui dise.

« La lettre…n’était qu’une machinerie pour te faire revenir, et je le savais très bien. C’est pour cela que j’ai fait en sorte qu’il ne m’épargne pas. Parce que je ne voulais pas que tu reviennes… »

Nouvelle pause. Je ne savais pas comment lui expliquer, comment lui dire. Les mots me manquaient.
Je pris ses mains dans les miennes pour la détendre. Ses poings étaient serrer à s’en faire mal.

« Je savais que par ma faute il allait t’enfermer à nouveau entre se griffes…
Quand tu es arrivée, je me suis dit que si j’arrivais à le pousser à bout devant toi…tu verrais enfin qui il est vraiment.
Je suis désolé de t’avoir fait endurer tout cela. Je voulais te changer les idées, et au lieu de ca je te tourmente encore plus… »

Ce fut à mon tour de baisser les yeux. Après un nouveau moment de silence, je lui demandais, toujours les yeux river sur nos mains :

« Qu’est-ce que tu aime chez lui ? »

Je relevais enfin les yeux.

« Répond moi sincèrement. »

Il me disait encore et toujours que je n'étais coupable de rien ! Quand se rendrait-il enfin compte que c'était faux ? Cependant, je n'avais plus ni la force ni l'envie de le contredire. Qu'il dise ce qu'il voulait, cela n'y changerait rien, de toute façon.

Son aveu, celui du fait qu'il ne voulait pas que je revienne, me perturba un peu plus. Mais, même si lui ne le voulait pas, moi je le voulais ! Même s'il ne voyait pas mes fautes, moi, je les voyais ! Nous n'étions simplement pas sur la même longueur d'onde, pour le moment. Cela arrivait rarement, entre nous. Mais Jonathan avait toujours été un sujet qui nous divisait. Ou plutôt, qui me divisait avec le reste du monde ! Parfois, je me sentais seule contre eux tous... Alors que lorsque Jo était là, je ne me sentais plus seule !! Plus avant, en tout cas... Je me sentais comprise, j'avais l'impression que l'on prenait en compte mes envies, mes décisions, mes choix ! Pas comme ma famille... Faisaient-ils réellement cela pour mon bien ? Cette question, je me la suis souvent posée, répondant toujours négativement. Non, ils ne faisaient pas ça pour mon bien ! Ils étaient contre moi, contre mon coeur qui m'inspirait à l'aimer toujours, encore, et plus !

Arrêtes de t'excuser ! Tu ne me tourmentes pas... ou si, tu le fais, mais parce que tu te tourmentes toi-même par ma faute ! Arrêtes de faire cela !

Je ne pus m'empêcher de soupirer, tant par lassitude que pour essayer d'évacuer ce que je ressentais, cette boule dans ma gorge qui voulait me pousser à verser des larmes, mais qui était en compétition avec ce sentiment de colère qui grondait en moi !

Il se tut, je ne dis plus rien. Avait-il compris ? En tout cas, il baissait les yeux. Etait-ce bon signe ? Je n'en savais rien. Je n'avais jamais été douée pour lire dans les pensées des gens, pour les lire dans leur regard ou dans leurs attitudes.
Lorsqu'il releva enfin la tête, ce fut pour me désarçonner bien plus encore avec une question encore plus inattendue que la précédente, une question que tout le monde me posait, sans exception, mis à part lui... Lui qui venait de le faire, marchant dans les pas de mes proches...

Mais cette question, posée à cet instant, était différente des autres. Etait-elle réellement différente ? Non, mais moi, je l'étais. J'avais vu, entendu et vécu des choses inédites, qui m'avaient troublées. J'en avais littéralement pris un coup, et mes sentiments restaient assez confus pour le moment. Je ne savais plus que penser de mon amour envers lui. Certes, je l'aimais toujours, mais je ne supportais pas l'idée de le savoir si... vil ? Manipulateur ?... ?

Je... je ne sais pas. Depuis que je l'ai vu, je l'aime ! Depuis le premier jour, depuis notre rencontre sur la plaine. Depuis qu'il m'a demandé si j'étais un ange... Il était si insouciant ! Mais si adulte en même temps ! Je n'avais que six ans, il n'était pas beaucoup plus âgé, mais il paraissait bien plus mûr que moi, et même que Leldi, qui était considéré comme un enfant précoce... Il me parlait de choses que l'on me cachait, il me parlait comme à une personne à part entière...

Je lâchai ses mains et m'entourai de mes bras, repensant à tous ces moments passés avec lui. Tous ces moments interdits, ces instants où je bravais l'autorité parentale pour le retrouver en cachette. Et cela, durant de longues années ! Tout ça parce que je l'aimais...

Il a toujours été insistant. Il voulait que je le suive partout, il désirait presque que je lui obéisse, même s'il ne me donnait jamais d'ordres ! Il était très entreprenant, il me guidait très souvent. Mais il était toujours là pour moi, lorsque j'en avais besoin. Et il me disait qu'il m'aimait... Il voulait que nous nous mariions, un jour ! Il me promettait une vie heureuse, sans soucis. Il disait que mes parents finiraient par nous laisser nous aimer comme nous le voulions...

Toutes ces images qui me revenaient en tête ! Il me promettait la lune, l'univers entier ! J'étais en train de chuter, de tomber de ce pied d'estale sur lequel il m'avait installée. Ce monde de rêve s'écroulait peu à peu autour de moi. Le bonheur que j'avais pu ressentir s'effritait de plus en plus rapidement.
Je commençais à avoir du mal à retenir toute cette émotion qui se consumait en moi. Les larmes perlaient durement à mes yeux, brûlant mes prunelles et menaçant à tout instant de faire chavirer mes sanglots. Je me mordis la lèvre inférieure avec force pour leur intimer de ne pas glisser le long de mes joues. Je ne pouvais cependant plus les retenir alors que mes rêves retombaient si brusquement à la réalité. Si brutalement, mon paradis promis dégringolait pour devenir enfer...