Escape & Come Back

Dans un calme quasi funeste, le cortège cliquetant que formait les soldats qui nous entourait, avançaut dans nos terres en priant pour ne pas voir une nouvelle menace arrivée. Peu d'entre eux avait survécu, en réalité nous les avions presque pousser à entre dans une mission suicide, alors c'était bien normal que la peur leur ronge les entrailles. De mon côté, je m'efforçais de trouver quelque chose pour entamer la conversation avec Laena, mais rien ne venait. Pourtant, avant il était si facile de discuter tranquillement avec elle. Mais depuis Jo, tout était différent. Ce type avait fait pourrir la situation.
Lorsque nous passions les portes de la cité aucun mot n'avait passé mes lèvres. Celle-ci s'étirèrent en un sourire assez faux, mais qui je l'espèrais rassurerait la population déjà bien trop meurtrie. C'est seulement lorsque nous rentrions dans la cour du palais que je me permettais de souffler. Enfin il fallait dire que le stress venait de retomber. Mais serions-nous vraiment en sécurité ici? Connaisant le fils de Roënhart, il y avait peu de chance que la cité lui résiste bien longtemps.
Me laissant glisser à côté de mon cheval, je massais quelques instants mes épaules endolories avant de donner la bride de l'animal à un domestique. Celui-ci avait grandement besoin d'eau, d'avoine mais surtout de repos. Une fois sûr qu'il se trouvait entre de bonne main, je le quittais pour rejoindre le palais. Enfin à la maison!
Maintenant j'hésitais entre deux choses de grande importance: Un bon bain pour me décrasser et me rendre au côté de mon père. Le respect patriarcale me dictait d'aller le voir, mais celui de ma propre personne m'ordonnait de me diriger vers ma chambre. Mais l'arrivée d'un domestique me coupa dans ma réfléxion alors que j'allais choisir d'aller me laver. Bien sûr, sa Majesté n'attendrait pas...

J'étais soulagée d'être enfin à l'intérieur, entre des murs familiers et entourée de gens que je connaissais. Mais un vide était présent, un vide qui recouvrait tout le palais, et allait encore plus loin. Ce vide plongeait dans les rues et entraient dans les maisons. A l'instar du drame qui nous unissait tous les trois, mon père, Leldi et moi, les habitants vivaient un autre drame tout aussi cruel. Pour venir me délivrer, des hommes s'étaient sacrifiés et avaient péri dans la bataille. Rares étaient les survivants. Et pourquoi? Pour un assassin...

Mon frère me laissa rejoindre ma chambre. Nous n'avions pas osé prononcer un seul mot depuis notre départ. Je n'avais rien dit à personne, j'étais restée silencieuse durant tout le trajet. Je ne savais pas quoi dire, et parler était inutil..

Je pénétrai dans mes appartements que j'avais quitté depuis plusieurs semaines et retrouvai ma chambre dans l'état dans lequel je l'avais laissée : elle était rangée, mis à part les quelques vêtements jetés à la hâte sur le lit. Je n'avais pas réussi à tout rentrer dans mon sac et j'avais tout laissé là en partant. J'avais fait une erreur et je le regrettais...

J'étais complètement épuisée, aussi ne tardai-je pas à m'endormir devant ma coiffeuse en voulant détacher mes cheveux. J'aurais voulu voir mon père mais je n'en avais pas le courage. Et je n'avais pas osé -ni réussi- à dormir depuis des jours...

Je me réveillai en sursaut peu de temps après, prise d'une peur panique. J'étais seule dans ma chambre, et cette solitude ne m'était que trop pesante. Elle était même insupportable! Ici, dans cette pièce froide et sans vie, remplie de milliers de souvenirs douloureux en cet instant, je ne pus tenir une minute de plus.

Je sortis en hâte de ma chambre et me dirigeai droit vers celle de mon frère. Cependant, arrivée devant celle-ci, je m'arrêtai dans mon élan. Etait-ce une bonne idée? Il devait être épuisé lui aussi, et peut-être ne voudrait-il pas me voir... Mais ce fut plus fort que moi et, après avoir failli rebrousser chemin, je frappai tout doucement à sa porte.

Sans attendre une réponse qui, j'en étais certaine, ne viendrait pas -il dormait sûrement-, j'entrouvris la porte et passai discrètement la tête pour observer la pièce et chercher après lui...

Les coups furent extrêment léger mais je n'eu aucun mal à les entendre, ni à reconnaître la personne qui les avait frappé. Demeurant toujours sur mon lit, je ne dis mot certain qu'elle allait entrer directement. Bien sûr ce que je pensais fut immédiatement prouver lorsque la porte s'ouvrit, laissant apparaître le visage de Laena. Un sourire naquit presque instantanément sur mes lèvres alors que je me redressais pour l'accueillir, elle n'allait pas rester sur le seuil. Je l'invitais donc à entrer d'un geste galant avant de fermer la porte derrière elle. Il faisait encore agréablement chaud dans la pièce alors autant ne pas gaspiller la chaleur.
Calmant les palpitations de mon coeur, je réfrénais cette envie récurente de la tenir contre moi, mais on ne pouvait pas dire que l'ambiance feutrée et le terriblement tentant parfum qui émanait d'elle me facilitait la tâche. Préférant immédiatement prendre mes distances, j'allais me poser contre le dossier d'un fauteuil, la toisant toujours néanmoins.

Que se passe t'il? Y aurait-il un problème, Laena?

A mon plus grand regret, ma voix se fit plus dure que je ne le voulais. En plus de tout ce que je devais enduré quotidiennement à cause de ce dégoutant sentiment que j'éprouvais pour elle, je ne pouvais m'empêcher de lui en vouloir pour ce qu'elle avait fait. Comment avait-elle pu oser partir du jour au lendemain avec Jonathan? Elle n'avait même pas chercher à nous écouter. Pourtant nous l'avions tous prévenu, elle savait pertinement que nous étions contre. Mais le pire, c'est qu'elle n'avait eu d'yeux que pour lui. Je prennais cela pour une sorte de trahisson, ne supportant pas qu'elle l'ait choisis!

Je le découvris éveillé et il m'invita à entrer avant de refermer la porte derrière moi. L'atmosphère douce et chaude de sa chambre m'enveloppa rapidement. C'était autre chose que le froid glacial de la mienne, qui n'avait pas été habitée durant un bon moment.

Je le fixai un instant dans les yeux avant qu'il ne s'éloigne et se pose contre une chaise, me demandant ensuite ce qui m'amenait ici. Je ne pouvais tout de même pas lui dire que je me sentais seule dans ma chambre et que je venais ici juste pour cela. Quoique c'était loin d'être l'unique raison de ma présence.

Sa voix me semblait dure, pleine d'amertume et je crus même y lire un certain dégoût. S'il savait, en plus de cela, ce que j'avais réellement fait, ce ne serait plus ce simple écoeurement qui le dominerait. Oserai-je lui avouer?

"Je... voulais te remercier pour être venu m'aider à rentrer à la maison. Cela faisait plus d'une semaine que je le priais d'accepter mais il ne le voulait pas..."

Il avait changé si rapidement. Du jour au lendemain, il était passé du jeune homme attentif et tendre à l'homme froid et possessif que j'avais vu juste avant l'arrivée de mon frère.

"Merci.."

Je voulus lever les yeux pour croiser son regard mais le courage et la force étaient aux abonnés absents.

C'est tout. Elle ne désirait que me remercier de l'avoir tirer griffes de Jo? J'hésitais un peu quant même là. Devais-je me sentir honoré ou plutôt outré? C'est vrai quoi comme si j'avais besoin d'entendre cela sortir de sa bouche. Quoi qu'il se passe je viendrais toujours la secourir si elle avait besoin d'aide et sans attendre ses mots si banal que l'on disait un peu à n'importe qui! Et puis qu'elle arrête de le remettre sur le tapis. Jonathan était déjà bien trop présent à mon coup comme ça! Je ne voulais aucunement créer un froid entre nous alors je me contentais d'hocher la tête, envouhissant profondément ma frustration. Je devais me comporter comme n'importe qui d'autre! Au plutôt non, simplement comme son fidèle jumeau qui ne la lâcherait jamais...

Comme si j'allais te laisser seule là bas alors que Mère est morte... lâchais-je finalement pour me débarasser du silence qui prennait position. Et puis, il était hors de question que tu te débarasses de moi aussi facilement.

J'avais clôturé ma phrase en plaisantant. C'était sûrement mieux comme ça et d'un autre côté, cela me permettait d'évacuer ce que je voulais dire sans que cela ne se remarque. C'était au final plutôt astucieux, je me surprenais des fois...

Lorsqu'il parla de notre mère, un frisson me parcourut l'échine, comme un tremblement incontrôlable. J'aurais préféré qu'il garde le silence au lieu de faire allusion à elle! Je n'aurais pas du venir le voir, j'en étais à présent persuadée. Plus loin serait le moment de la révélation, même si cela me coûtait un long silence mensonger et insoutenable, au mieux cela serait pour tous. Etais-je égoïste?

Je respirai pour éviter à mes yeux de rougir encore. Il souffrait autant que moi et je ne voulais pas lui infliger plus de douleur encore en lui montrant une fois de plus ma faiblesse. Cela faisait des années qu'il devait la supporter parfois jour et nuit. J'aurais cru qu'il serait heureux de se débarasser enfin de moi...

"C'était toi qui aurais dû être débarassé de moi, pas le contraire! Et puis.. je ne voulais pas me débarasser de toi.. Tu sais très bien que je t'aime et que je ne ferais pas une chose pareille!"

Je chipotais distraitement avec le tissu de ma robe qui était déjà bien froissée. Je ne savais pas si je devais tourner les talons et m'envoler telle une simple chapardeuse de marché ou s'il me fallait rester ici pour échapper à la solitude de ma chambre froide. Mon esprit ne prit pas de décision, mon corps entier le fit à ma place. Il refusait de me porter hors de cette pièce, hors de sa vue. Il s'opposait à une fuite qui m'aurait éloignée de cette chaleur si rassurante.

Je fermai les yeux et soufflai comme si je voulais extirper de moi les mauvais esprits, comme pour me purifier de l'intérieur. Mais une telle chose, un retour en arrière était devenu impossible. Et le futur semblait incertain, lointain et terrifiant. Qu'allait-il se passer? J'étais fiancée avant même de m'en rendre bien compte... Tout allait trop vite! Tout évoluait autour de moi : le temps, les gens, les animaux, les lieux, ... Et aucun ne m'attendait. Je me sentais complètement dépassée par les évènements, et ces élans de perdition alimentaient ce vide qui était présent partout. Il me suivait, me harcelait, me détruisait de l'intérieur en chaque instant. Jamais avant ce jour, je n'avais ressenti cela...

Jamais! Je ne veux plus jamais que ce genre de chose franchisse tes lèvres, je veux en aucun cas me débarrasser de toi, il est totalement impossible que cette idée ne fasse même que germée dans mon esprit. Tu es beaucoup trop important à mes yeux...

La mâchoire serrée, je pivotais sur moi-même avant de rejoindre lentement la fenêtre. Sans vraiment y porter attention, mes doigts allèrent se coller à la vitre, traçant de petits dessins sur la buée qui s'y était déposée. Face à cette attitude qu'elle arborait depuis nos retrouvailles, je me trouvais déboussolé. Comment devais-je réagir pour la consoler, pour qu'elle se sente mieux, alors que je ne savais même pas de quels maux elle souffrait? Certes la perte de notre mère était sûrement l'un des plus grands chocs qui avait marqué notre vie, mais c'est comme s’il y avait autre chose. Celle qui se trouvait devant moi, mon adorable jumelle, me cachait quelque chose. Une chose qui devait sûrement être d'une importance capitale vu son malaise. Pourquoi ne me disait-elle rien! Fermant les yeux, je posais mes doigts sur mon visage avant de tirer un long soupir. Je devais découvrir, par n'importe quel moyen, ce qu'elle me cachait.

Après cette réflexion, qui même si elle m'avait paru très longue n'était en fait que l'affaire d'une à deux minutes, je reportais pleinement mon attention à Laena. Je me tournais à nouveau elle et la rejoignit en quelques pas. Tanpis si une foule d'idée mauvaise me traversait l'esprit, le plus important maintenant était de savoir! Une fois devant elle, ma main trembla un instant avant de se saisir de la sienne, la serrant avec douceur. Je rassemblais tout mon courage pour lever les yeux vers elle, ceux-ci étaient toujours rester au sol ou sur le côté depuis qu'elle était entrée dans ma chambre. Encore une petite dose me fut nécessaire pour plonger mon regard gris dans le sien, si pur. J'allais jouer toutes les cartes que j'avais dans ma pioche pour la convaincre de me parler.

Laena... Qu'as-tu donc? Tu me sembles... je marquais une courte pause pour donner plus de poids à mes paroles. Etrange... Tu le sais non? Tu peux tout me dire...

Je sursautai au ton de sa voix. Pourtant, ses paroles m'allaient droit au coeur ! Mais j'avais été un instant ailleurs, prise par la douloureuse révélation sourdant en moi. Dans un moment autre que celui-ci, j'aurais souri à mon frère. A tout autre moment, mes yeux auraient été illuminés. Mais à présent, ils étaient ternis par le vice et cernés de rouge par la tristesse.

Il s'éloigna de moi durant une éternité, et pourtant un instant trop court. Il revint bien vite près de moi et, après une hésitation que je ressentis moi-même, il osa prendre ma main dans la sienne. Au contact de sa peau tiède et de ses doigts familiers, j'eus le réflexe de vouloir la retirer dans un souffle de surprise. Mais il la retenait assez pour que je n'y parvienne pas.

Ses yeux croisèrent les miens, son regard me toisa avec force. Je voulais détourner le mien, mais je ne le fis pas. Je ne le fis pas, et je ne sus pourquoi.
Il avait remarqué mon état d'esprit ! Pas étonnent, à vrai dire. N'étions-nous pas jumeaux ? Nous avions toujours ressenti un peu de ce que ressentait l'autre. Depuis touts petits, il en avait été ainsi. Son coeur était-il lui aussi douloureux ?

"Je me sens moi-même étrange... Mère nous a quitté... Je n'arrive toujours pas à y croire, et pourtant c'est le cas !"

Je pouvais tout lui dire... Il avait raison. Mais comment allait-il réagir à mes paroles ? J'avais tellement honte de moi, je me haïssais pour ce que j'avais fait ! Il en serait de même pour lui, malgré ses dires.. J'en étais certaine !

Je détournai les yeux, il m'était impossible de soutenir plus longtemps ce gris inquiet. J'ôtai ma main de la sienne, avec succès cette fois-ci. Elle s'en alla retrouver sa soeur, tandis que je devais affronter mon frère.

"Je tenais l'arme qui lui a transpercé le coeur..."

Je ne pus prononcer un seul mot de plus. Je pinçai les lèvres, fermai les yeux et tentai pour la énième fois de retenir un nouveau flot de larmes. Mais quelques unes passèrent outre mes efforts et frolèrent avec lourdeur mes joues rosées. Chacune d'elle me piquait la peau et y traçait un sillon qui avait été emprunté auparavent par un millier d'autres.
Mon corps entier était lourd et pourtant si faible. La pesanteur aurait voulu m'attirer à elle, comme un amant aimerait à retenir l'amante infidèle. Elle était tenace, mais elle ne réussit pas à me conduire aux enfers. J'y étais déjà...

Me forcant à tenir bon, je la vrillais sans impatience d'un regard tendre. Même si j'aurais fait n'importe quoi pour savoir, mon but n'était aucunement de montrer dur. Ni par la même occasion de jouer sur la force pour la faire avouer. Faire cela m'aurait réellement dégouté, après tout, n'était-ce pas là les méthodes de Jonathan?
Mais finalement avais-je bien fait de tenter de percer son silence? Maintenant que je me retrouvais devant le fait accompli, je ne savais plus trop comment réagir. Ce qu'elle avait dit était grave, que dis-je c'était horrible! Ce n'est qu'après quelques secondes que je me rendis compte que sa main avait quitter la mienne. Je ne cherchais pas à la reprendre, me contentant de laisser retomber la mienne le long de mon corps. Tentait-elle de me faire une farce? Non cela n'était pas dans son tempérament, qui plus est elle ne plaisenterait pas sur une telle chose.

C'est lui qui t'a fait croire ça... Encore tout abasourdis, je cherchais quoi riposter. Oui ça ne peut-être que lui qui t'a fourrée cette idée en tête! Voyons tu aurais été incapable de tuer notre mère. C'est encore un mauvais coup de Jonathan, il la tuer avant de te faire croire que c'était toi qui lui avait enlever la vie pour pouvoir après te manipuler à ta guise.

Je ne savais plus quoi dire, ni que faire. J'étais encore plus perdu que d'habitude, ne voulant même pas penser à croire ce qu'elle venait de me dire. Laena n'avait pas tuer notre mère! Ayant l'impression de ne plus pouvoir tenir, j'allais jusqu'à mon lit avant de m'y laisser tomber, les bras toujours balant. Malgré tout ce que je prétendais, le poison de ses mots commençait à s'imiscer dans mon cerveau, domptant mon esprit pour lui soumettre cette évidence que je ne pouvais croire.

Sa réaction paraissait vraisemblable : il n'arrivait pas à me croire. Et pourtant, c'était bel et bien le cas. Comment aurais-je pu le lui prouver ? Il m'assurait que c'était Jo qui m'avait fait croire une telle chose ! Mais je m'en étais pourtant rendue coupable...

Il s'effondra sur son lit quelques instants plus tard. J'inspectai le sol de sa chambre sans le voir vraiment. J'étais ailleurs. Je ne voulais pas revivre la scène, et pourtant elle repassait en boucle dans mon esprit depuis cette fameuse soirée d'anniversaire. Mes doigts serrant le couteau; l'insistance des invités de marque, de mon fiancé et même de ma tendre mère; le trou noir et, enfin, le sang qui tâchait ma robe et qui s'écoulait sur le sol... La lame était toujours dans ma main, je l'avais fait. J'avais obéî à un instinc criminel, comme l'avait plus tard précisé Jonathan. Un instinc que j'avais toujours possédé et qui m'habiterait à jamais...

"Ecoute je..."

Je ne savais plus quoi faire. A présent, il savait. Il savait ce que j'avais fait ! Il savait qui j'étais devenue... Je me sentais de trop dans cette pièce. De chambre légèrement réconfortante, elle était passée à salle de torture oppressante, étouffante. Il fallait que je m'extirpe de cet espace confiné où l'air manquait de plus en plus.

"Je crois que je vais retourner dans ma chambre... Cela vaudra mieux pour nous tous.. Tu peux l'annoncer à tout le monde. S'il le faut, je ferai mes bagages et je partirai de suite... Je sais que ce que j'ai fait est impardonnable et je ne demande pas que l'on m'excuse. Moi-même je ne le pourrai jamais !"

Sans même attendre qu'il me réponde quoi que ce soit -ce dont je doutais-, je franchis la distance qui me séparait de la porte et sortis de sa chambre en la refermant derrière moi. Les larmes au bord des yeux, je rejoignis ma chambre et, arrivée à l'intérieur, m'effondrai contre ma propre porte, recroquevillée sur moi-même. Je m'étais promis d'arrêter de pleurer... Mais je n'y arrivais pas ! C'était bien plus fort que moi...

Tout dans ses réactions me poussaient désormais à croire ses dires. Maintenant que le fait était "accepté" que devais-je faire? Lui en vouloir? Impossible. La repousser? J'en aurais été bien incapable. La plaindre? Oui, tout ce que je pouvais faire c'était la plaindre. Elle souffrirait toute sa vie à cause de ce geste qui j'en étais sûr, n'était pas venu uniquement de sa personne. Celui avec qui elle avait fuis devait y être pour quelque chose, sur ce point-là je n'avais pratiquement pas de doute.
Avant même que je puisse réagir plus, elle m'annonça qu'elle partait, il lui fallait désormais retourner dans sa chambre. Elle ne me laissa pas non plus le temps de répondre, je pu juste voir la porte se refermer derrière elle et attendre toujours posé sur mon lit. L'information mit longtemps à arriver à mon cerveau mais je finis par me bouger. Je me levais d'un bond et galopais jusqu'à ma porte que j'ouvrais à la volée. Dans le couloir, je me fis plus discret, marchant néamoins à vive allure. Une fois face à sa porte, je ne toquais même pas et l'ouvris en douceur. Je fis bien car Laena se trouvant derrière elle, elle buta doucement contre son dos. Je n'avais vraiment aucun espace, pouvant à peine passer mon bras. Je m'accroupis et glissais à tâton mes doigts sur son épaule.

Je ne dirais rien à personne sauve si c'est toi qui le désire. A aucun moment, je ne désirerais aussi que tu fasses tes bagages, tu viens à peine de les posées alors qu'elle reste bien là où elles sont...

Il ne me retint pas, il ne me courut pas après. Je crus pouvoir pleurer seule dans ma chambre durant un long moment. Encore et encore, cet instant repassait dans ma tête. Encore et toujours...

Je sentis la porte contre mon dos : on essayait de l'ouvrir. C'était lui, j'en étais sûre. Je ressentais sa présence derrière la plaque de bois taillée. Et son bras sur mon épaule vient bientôt confirmer mes pensées.

Durant un long moment, je ne bougeai pas plus que mes sanglots ne me faisaient trembler. Son soutien, même si je savais pertinemment ne pas le mériter, m'était réconfortant. Il m'allait droit au coeur !

Sa présence finit cependant par me calmer un tant soit peu. Ma respiration se ralentit et redevint légèrement plus régulière. Après un très long moment, je crus enfin pouvoir lui répondre.

"Le mensonge ne sera jamais une délivrance. Il ne pourra qu'envenimer les choses et faire plus de mal encore..."

Je passai le tissu de ma manche sur mon visage et mes joues rosies. Je finis par me lever et m'éloignai de la porte pour le laisser rentrer.

"Lorsqu'ils sauront, Père ne voudra plus de moi sous ce toit, et cette ville me rejettera ! Je ne veux guère partir, mais je ne peux rester..."

L'attente fut extrêment pesante, longue aussi. Mais enfin, elle se décida à me laisser la voie libre. Ce n'était pas de refus, je n'allais tout de même pas rester accroupis dans le couloir durant toute la nuit. Certe le ridicule ne tuait pas mais il y avait tout de même des limites. Et puis je craignais que mes genoux en prenent un sacré coup. Mine de rien aussi, il me faisait drôlement froid ici, cela changeait nettement de la tempèrature de ma chambre.
Pourtant, cette idée ne resta guère longtemps dans mon esprit. Elle disparu aussitôt, comme elle était venue. En réalité, je m'en fichais bien. Le froid, la douleur où un autre détait futile n'avait as vraiment d'importance face à ce qu'il se passait. Si j'avais du rester des jours entiers sans bouger, avec un bras la touchant à peine, je n'aurais pas hésiter si pour cela je ne devais pas la perdre.
Poussant la porte, je pénétrais dans sa chambre en me remémorant ses paroles. Sans plus la moindre once d'hésitation, je l'enlacais collant ma joue à la sienne.

- Ce que tu as fait m'attriste peut-être mais je m'en contre-fiche. Mon opinion sur toi ne changera jamais. Quoi que tu fasses, tu resteras pour toujours ma précieuse soeur que je chérirais plus que tout tant qu'elle le désirera encore.
Et puis, si on te chasse du palais, ce qui j'espère n'arrivera pas, compte sur moi pour te suivre. Si père veut que tu partes alors ce sera comme si à moi aussi il m'intimait l'ordre de partir. Bien sûr dans la mesure du possible, il me semblerait plus judicieux que notre famille reste unie.

Oui c'était ça! Nous devions absolument rester solidaire pour lutter contre Jonathan. Pour que jamais plus il n'emporte Laena dans son sillage malfesant. Juste pour ça.
Un soupir passa mes lèvres. Qu'avions nous donc fait de mal pour nous retrouver dans pareille situation. Etions-nous maudit?

- Le destin a fait que je naisse en tant que ton frère jumeaux alors je te protégerais. Toujours...

Il pénétra dans ma chambre sans plus attendre, après que j'eusse libérer le passage. Je fus surprise qu'il vienne me prendre dans ses bras à peine entré. Comment pouvait-il encore désirer un tel geste envers moi après la révélation que je venais de lui faire ? Je ne méritais même pas cette attention de sa part ! C'était beaucoup trop...
Je ne méritais pas non plus ses paroles, qui étaient pourtant tellement douces à mes oreilles.

"Non, je ne veux pas que tu sois puni pour mon crime ! Si quelqu'un doit partir, ce ne peut-être que moi et moi seule ! Il est hors de question que tu te sacrifies pour moi..."

Je ne pus me résoudre à quitter ses bras qui me procuraient pourtant une douce chaleur. J'avais froid, froid à l'intérieur de moi. J'étais glacée, frigorifiée ! Alors même lui ne pourrait pas me réchauffer assez pour me dégeler.

"Tu sais, je t'aime aussi. Mais je ne peux admettre que toi, ou n'importe qui d'autre d'ailleurs ! ... je ne peux admettre que tu payes avec moi. Je suis la seule responsable. Moi et ma bêtise... Moi et mes erreurs..."

Je réussis à espacer nos joues. Bien que je réclamasse toujours ce contact qui nous avait unis depuis notre enfance, je ne pouvais le supporter d'avantage ! J'avais l'impression que, dans simple regard, j'aurais pu le corrompre lui aussi, l'attirer de ce côté vers lequel j'avais malgré moi basculé.

"Il n'y a plus besoin de me protéger."

Je levai les yeux vers lui pour lui signaler que je ne le méritais même pas. Il me comprenait sans que je ne prononce un seul mot. Il était mon frère jumeau, mon seul frère...

Avec une difficulté grandissante, je calmais le rythme endiablé des battements de mon coeur, la laissant par la même occassion s'éloigner de quelques centimètres de moi. Pourtant, si je la laissais faire cela n'était nullement de bon gré. Pour une fois que je l'avais dans mes bras, même si la situation était dramatique il fallait bien l'avouer, je comptais bien en profiter jusqu'à ce qu'elle me soit retirée ou qu'elle décide d'elle même de quitter cette si délicate étreinte.
Attrapant sa main d'un geste leste, j'entrelaçais nos doigts comme nous le faisions si souvent lorsque nous étions enfant.

Sache que c'est en me privant de ta présence que tu me punirais. Ce serait même la pire des punitions...

Plus besoin de la protéger? Cela était hors de question! Si je ne pouvais plus protéger ma chère petite soeur qu'allais-je bien pouvoir faire? Après tout, c'est pas pour rien qu'il fallait toujours mieux avoir un fils suivit d'une fille, pour que l'aîné veille sur la cadette.

Je refuse... Tu ne peux pas me demander une chose pareille alors que je tiens à toi plus que tout au monde.

Quoi que je dise, quoi que je fasse, il avait toujours la manie de me contredire et de continuer à rester.. lui même. Il ne changeait pas, il était toujours pareil : le grand frère qui se la jouait parfois un peu trop protecteur, mais toujours là lorsqu'il le fallait !

Mes doigts frôlèrent les siens avec un délice que je me refusai de ressentir. Sa présence était déjà bien suffisante pour moi, bien trop pour mon crime.
Je sais que je n'arrête pas de me répéter et de redire la même chose, mais je ne peux m'empêcher d'y penser sans cesse !

"Pourtant, il faudra bien un jour que nous soyons séparés. Et je ne parle pas de quelques mois, mais bien des années ! Ce jour arrivera tôt ou tard. Tard, je l'espère, mais tôt est bien plus probable."

Je pensais en effet qu'étant à présent fiancée, je ne devrai plus tarder à rejoindre mon futur mari. De plus, malgré ce qu'il m'avait obligée à faire, je ne l'en aimais pas moins pour autant -du moins pour l'instant-, et je désirais m'assurer qu'il allait bien après son duel avec mon frère.

"Tu sais très bien que je tiens à toi moi aussi, mais tu sais aussi qu'il le faudra. Nous ne pourrons jamais vivre ensemble et, de toute façon, ce n'est pas notre destin. Lorsque Père le décidera, tu deviendras Roi. Mais entre temps, je suis certaine que tu trouveras une femme qui saura ravir ton coeur et te rendre heureux !"

Je souris à cette pensée, celle de le voir heureux, et gouvernant avec sagesse et bonté. Je savais qu'il y parviendrait très bien !

"Peut-être que mon destin est de rester avec Jo..."

C'était sans doute pour cela que depuis bientôt cinq cent ans, je n'avais cessé de l'aimer et que je continuais à le faire, étant prête à effacer tout pour lui, si tel était mon destin...

Pourquoi avait-il fallut qu’elle dise cela ?!! Ses mots, qui pourtant était d’une normalité banale, me firent l’effet de ses blessures infiniment douloureuses que l’on récolte après de sanglantes batailles. Je me refusais pourtant à réagir face à elle, non je devais encore une fois tout contenir, me contenter de rester naturel. Allons Leldi reprends toi ! Tu es son frère, juste son frère !

« Jamais ! Même si nous devons être séparé, il est hors de question que je ne te vois plus durant des années. Une semaine serait déjà la pire des tortures. Nous avons toujours été ensemble alors pourquoi devrions-nous cesser… »

C’est vrai quoi pourquoi naître jumeaux, être proche de manière presque excessive autant physiquement que mentalement, pour ensuite devoir se séparer de manière brutale pour fonder un foyer individuel. Pour moi si une telle situation existait c’était qu’il y avait une raison profonde. Mais quelle était cette raison, je n’en avais pas la moindre idée…

« Je n’en veux pas ! Ne me parle pas d’une autre femme ! Et puis je me contrefiche de Père et du fait de devenir Roi ! C’est toi ma moitié et je ne veux personne d’autre. »

Qu’elle arrête ça ! Pitié Grand Esprit faite la taire avant que l’impardonnable ne soit commis ! Cesser de me torturer avec cette situation impure mais pourtant si tentante. Cette envie dévorante de la garder pour moi seule allait finir par me consumer c’était une chose certaine.

« Ne me parle pas de ce type ! »

Il continuait à contredire ce que je disais, à tenter de trouver des raisons à des choses qui ne pouvaient en avoir, des solutions là où il n'en existait pas. Il ne fallait pas toujours chercher ce qui ne pouvait être, mais plutôt se contenter de ce qui était déjà !

"Pourquoi ? Je ne sais pas... Parce que c'est ainsi !" répliquai-je à mon tour, peu sûre de mes paroles. Je ne savais pas que rajouter sur ce sujet, mais j'avais l'impression qu'il ne pouvait en être autrement, jamais !

"Ne dis pas ça, il y aura bien une femme que tu aimeras ! Tu le sauras en la rencontrant, même si tu le nies maintenant. Tu ne peux pas savoir ce qu'est l'amour tant que tu ne l'as pas ressenti ! Leldi, sois raisonnable... Il faut que tu le sois pour nous deux, car je suis loin de l'être !"

Un instant, ses paroles m'apparurent sous un autre jour qui me surprit immédiatement. Ne venait-il pas d'affirmer que j'étais sa moitié -chose vraie, puisque nous étions jumeaux-, mais surtout qu'il ne voulait personne d'autre ?! Insinuerait-il par là ... Non, impossible. Je balayai de mon esprit cet instant de trouble qu'il devait avoir remarqué malgré moi, et essayai de penser à autre chose. Il était inconcevable qu'il dise cela dans le sens qui m'avait étrangement sauté aux yeux.

"Il faudra bien que tu acceptes un jour le fait que je l'aime !" criai-je soudain en réponse à sa dernière phrase.

"Il faudra que tu l'acceptes, que tu le veuilles ou non ! Comme il faut que je l'accepte moi-même en ce moment... C'est déjà bien assez difficile, alors ne complique pas les choses, s'il te plait. Tu es mon grand frère, le pilier auquel je me retiens... Ne t'effondre pas et ne me fais pas faux bond... J'ai besoin de toi."

D'abord en prise avec la colère, je me calmai au fur et à mesure de mes propres mots, plongeant dans une solitude qu'il était le seul à pouvoir briser. J'avais l'impression qu'il s'éffritait, alors qu'il avait toujours été là, fort, intelligent, attentif, la personne en qui j'avais le plus confiance ! J'avais l'impression qu'il ne tarderait pas à s'esquiver, même s'il me promettait le contraire à mon plus grand désarroi...

Il allait bien falloir que j’accepte cette fatale évidence, dans très peu de temps, je devrais apprendre à me passer de la présence de ma sœur et cela pour son seul bonheur. Il me fallait maintenant jouer mon rôle tout en finesse car mes manières et mes paroles étaient loin d’être naturelles, que dis-je normales plutôt. Je devais me comporter comme un jeune homme normal et parfaitement constitué , je dois avouer que même pour moi cela allait être plus rassurant que de m’entendre continuer à délirer de la sorte.

« Oui tu as raison… Excuse-moi c’est sûrement la fatigue qui me fait agir de la sorte, il faut dire que j’avais tellement peur pour toi que je n’en dormais plus. Je suis tellement content de te revoir que je commence à raconter n’importe quoi. La folie me guetterait elle ? plaisantais-je soudain. »

« Je ne le sais que trop bien Laena. Mais quoi qu’il en soit ne m’en demande pas trop. J’accepterais certes le fait que tu l’aimes, mais cela s’arrêtera là… »

J’avais bien compris que je ne pouvais désormais plus me permettre d’être franc et d’essayer de la convaincre de ne plus penser à ce type, le risque était bien trop grand. Maintenant l’important était de garder ne fus-ce qu’un infime contact avec elle, histoire d’avoir la possibilité d’assurer ses arrières sir la situation se compliquait encore plus.

« D’accord j’ai compris. Je serais là si tu as besoin de moi… »

Il essayait de plaisanter, et je me forçai à sourire à cette réflexion. Mais après tout, la folie guettait tout le monde, et chacun pouvait en être victime. Donc ce n'était pas si impossible, ce qu'il disait !

"Tu n'es pas fou, Leldi. Pas encore du moins." plaisantai-je à mon tour.

J'en avais assez de cette atmosphère, je voulais penser à autre chose, faire autre chose.

"Je te remercie de l'accepter."

J'eus un fin sourire qui resta cependant accroché à mes lèvres quelques instants après ses dernières paroles.

"Je savais que je pouvais compter sur toi. Je l'ai toujours su ! J'espère que tu pourras aussi compter sur moi, dans les moments difficiles..."

Je le toisai encore un instant avant d'aller à la fenêtre d'un pas presque léger. Le soleil commençait à décliner à l'horizon, derrière l'immense parc du palais. Dans peu de temps, les fées sortiraient pour entamer leur ballet nocturne près des rosiers, à quelques mètres de nous. Je ne l'avais plus regardé depuis des années. Ca me manquait.
Posant ma main sur la vitre un instant, je remarquai la mince pellicule de vapeur d'eau qui la recouvrait. Il faisait bien chaud dans sa chambre, peut-être un peu trop à vrai dire. D'ailleurs, lorsque je bougeai légèrement mes doigts, une trace s'inscrivit sur le verre. Je vis mon visage sourire dans le reflet flou et commençai à dessiner avec application deux petits personnages se tenant la main, devant un soleil rayonnant. J'avais presque l'impression de retomber en enfance, bien que cette période soit belle et bien finie pour moi ...